vendredi 3 septembre 2010

[Presse] Chatel invente le centre de recherche jetable

Publié dans LIBERATION le 03/09/10
Par VERONIQUE SOULE

En avril, le ministre de l’Education, Luc Chatel, était bien content de trouver l’INRP - l’Institut national de recherche pédagogique - pour organiser un séminaire sur les «rapports entre l’école et la nation hier et aujourd’hui». Au lendemain du désastreux débat sur l’identité nationale animé par Eric Besson, l’ordre était venu du Château de lui trouver une suite autrement plus respectable, voire scientifique, dans l’idéal même avec des intellectuels. L’INRP, un institut de recherche sérieux, avait alors reçu la mission d’organiser un colloque, inauguré par le ministre en personne. Mais le temps a passé. Et aujourd’hui Luc Chatel cherche désespérément à économiser des postes - 16 000 en 2011 après les 16 000 de cette année. Officiellement, on parle d’«optimiser des moyens» qui ne seraient pas répartis au mieux… Dans les faits, on cherche partout, dans les moindres recoins, car toute économie est bonne à prendre. Et aujourd’hui, l’INRP se retrouve menacé.
Au départ, l’institut était sous la tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur. Il y a trois ans, assez logiquement car l’INRP fait de la recherche appliquée et s’adresse avant tout aux enseignants, il est passé sous l’égide de l’Education nationale. Et voilà que maintenant celle-ci veut s’en débarrasser et le renvoyer à l’Enseignement supérieur. La rue de Grenelle économiserait ainsi les 13 millions d’euros de subventions alloués chaque année à l’INRP. «On savait depuis plusieurs mois que le ministère cherchait à se débarrasser de nous,explique Annie Feyfant, du Sgen-CFDT.Comme nous sommes à Lyon, sur des terrains de l’Ecole normale supérieure, il s’agirait de nous y intégrer en partie, dans des laboratoires de recherche. Mais bien sûr, le personnel, qui compte actuellement 220 personnes, serait réduit.» A commencer par les 40 enseignants qui y sont détachés et qui seraient rapatriés devant des classes.
Pour le Sgen-CFDT, cette possible disparition illustre le peu de cas fait par le gouvernement de la recherche sur le système éducatif - son mode de gouvernance, l’évaluation de telle ou telle mesure, la pédagogie - «comme s’il n’y avait pas besoin de réfléchir à tous ces sujets». Cela renvoie, selon le syndicat, à la réforme de la formation des enseignants qui se met en place cette année et qui sacrifie la partie pratique de la formation. Mais là, deux conceptions s’affrontent : ceux pour qui les professeurs doivent être d’abord d’excellents spécialistes, et les autres pour qui le plus brillant mathématicien ne fera pas automatiquement un bon prof. Un débat sans fin.

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