jeudi 9 septembre 2010

[Lettre] Lettre aux ministres de l'Education Nationale et de la Recherche

(Une version de ce texte a été envoyée à Mme. Pécresse, Ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche)

Les sections syndicales de l’INRP, CGT, FSU, SGEN-CFDT, UNSA-Éducation
Cachan, Lyon, Marseille, Paris, Rouen, le 9 septembre 2010


Lettre ouverte des personnels de l’INRP…
à Monsieur le Ministre de l’Éducation nationale



Monsieur le Ministre,

Quel devenir pour l’Institut National de Recherche Pédagogique ?
Êtes-vous vraiment favorable à sa disparition par absorption dans l’ENS de Lyon, à l’abandon de la tutelle de l’Éducation nationale, à la suppression de l’association d’enseignants du premier et du second degrés à la recherche ? Quel serait le bénéfice pour votre ministère de détruire cet instrument unique qu’est l’INRP ?
Vous venez, avec Madame la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, de confier à J. Samarut, Président de l’ENS de Lyon, une mission sur les “conditions d’intégration” de l’INRP à cet établissement ; lors d’une séance extraordinaire, le Conseil scientifique et le Conseil d’administration de l’INRP, le 17 septembre 2010, doivent être informés des orientations retenues par ses tutelles concernant l’évolution de l’INRP et la procédure choisie pour les mettre en œuvre.
Dans ces circonstances, les divergences entre les conclusions du Rapport Moret et les recommandations du Rapport préliminaire de l’AERES laissent les personnels perplexes et inquiets. Refusant le statu quo, ils attendent de la refondation annoncée, comme le mentionne le rapport Moret, un approfondissement des missions de l’INRP, une opportunité pour “repenser ses priorités scientifiques de façon globale en cohérence avec le paysage existant de la recherche en éducation” (p4) et assurer un fonctionnement en réseau garant de “la valeur ajoutée de l’INRP au système éducatif” (p5). Si ces visées correspondent aux préconisations de l’AERES de “pérenniser les missions centrales de l’INRP” –diffusion des résultats de la recherche en éducation, évaluation des innovations pédagogiques, expertise opérationnelle acquise sur le terrain grâce aux enseignants associés, actions de formation des enseignants, veille scientifique et technologique, conservation et développement des collections muséographiques et bibliographiques en matière de recherche en éducation– (p.27),  les propositions du rapport Moret, marquées par la RGPP et le désintérêt des ministères pour les questions éducatives, sont en contradiction avec ces objectifs.
Le rapport Moret souligne qu’“aucun autre établissement n’offre un service comparable en France” en couvrant à la fois les domaines de la recherche, de l’ingénierie pédagogique, de l’expertise, des ressources et de la médiation” (p.60) pour autant l’éventail des solutions –plateforme de recherche sans chercheurs permanents, abandon du Musée National de l’Éducation (Rouen), saupoudrage ou dilution de l’histoire, abandon de la tutelle Éducation nationale et du programme 214 de la LOLF, rattachement exclusif à la Recherche et au programme 150, repli régional par l’insertion dans l’ENS de Lyon, etc.– dessine un avenir en creux, étiolé, contraint, tournant le dos aux intérêts majeurs du système éducatif. La “préservation” de l’identité de l’INRP lors de l’intégration dans l’ENS de Lyon serait illusoire dans ces conditions et contreviendrait à la recommandation de l’AERES “de ne pas mettre en péril la vocation nationale de l’INRP ni sa capacité à accompagner les nécessaires évolutions du système éducatif français” (p27)
Les missions de l’INRP ne sont pas celles de l’ENS de Lyon ce que souligne le rapport préliminaire de l’AERES qui recommande de “reconnaître et conforter l’identité de l’INRP, en liaison avec l’ENS de Lyon, en le dotant d’un statut qui lui donne l’autonomie nécessaire pour remplir l’ensemble de ses missions nationales et pour devenir pour le pays une tête de réseau en sciences de l’éducation sur la base de partenariats régionaux, nationaux et internationaux” (p.29).
Les questions d’éducation et de formation doivent être traitées à l’écoute de tous les acteurs en s’inscrivant dans la durée, en s’appuyant sur des composantes, des compétences, des métiers complémentaires. L’INRP est en mesure de proposer une démarche efficace, offrant les mêmes garanties de confrontation internationale et de robustesse des résultats de recherche que la communauté scientifique à laquelle il appartient, mais prenant en compte les expériences sociales sur l’éducation. Trop de réformes ont échoué ou été détournées parce qu’elles avaient négligé cette expérience. L’aide au pilotage implique une circulation des savoirs entre l’Université, les responsables politiques et administratifs, le corps enseignant et les personnels d’encadrement, les lieux de formation, les parents, les élèves, les collectivités territoriales.
L’INRP, dont l’histoire se confond avec celle de l’École républicaine, a la légitimité et la logistique pour assurer une telle mission qui a des implications statutaires, humaines, financières et de gestion. Il doit être national, autonome, porteur d’un programme national de recherche en éducation et formation pour travailler en réseau national et international avec tous les acteurs du monde éducatif, avec les décideurs français et européens et participer à la constitution du volet recherche de la formation des enseignants qui doit se développer en France comme il l’est à l’étranger.
Dans ces conditions, il n’est pas possible, au 1er janvier 2011, de faire de l’INRP refondé un appendice de l’ENS de Lyon, qui a déjà à surmonter les conséquences de sa fusion entre lettres et sciences. L’INRP refondé doit être un EPST, sous tutelle interministérielle, conservant ses métiers et ses composantes, inscrit à la fois dans les programmes 150 et 214 de la LOLF, disposant des moyens financiers et humains à la hauteur de ses missions. Alors, tous les partenariats scientifiques, institutionnels et de gestion pourront être fructueux, avec l’ENS de Lyon bien sûr, mais aussi le CNDP, le CNED, l’ESEN…

Voulez-vous vraiment, Monsieur le Ministre, renoncer à la tutelle de l’Éducation nationale sur l’INRP et le dissoudre dans l’ENS de Lyon, détruire l’association des enseignants à la recherche en supprimant les moyens pour les enseignants détachés et associés ? Serez-vous le ministre de l’Éducation nationale qui, comme le relève déjà la presse, “invente l’institut de recherche jetable” ?
Les personnels de l’INRP souhaitent une refondation constructive de leur institut, sans violence institutionnelle des tutelles venant s’ajouter à “l’instabilité de la gouvernance” dénoncée par l’AERES.

Avec toute notre considération


Les sections syndicales de l’INRP, CGT, FSU, SGEN-CFDT, UNSA-Éducation

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